Regarde, ressent. C’est le moment qui précède l’ivresse. La réalité se trouble, les choses deviennent moins laides. Et même les gens, même les gens deviennent moins laids…
Il m’en faut plus, toujours plus, c’est la seule certitude. Au-delà de ça, plus rien n’a d’importance ; Mais ce n’est plus du nihilisme à présent, non, juste de l’insouciance, de la joie, un sentiment profond de béatitude.
Je vois la musique danser autour de moi, j’observe les gens souffler d’étranges et sensuelles volutes d’émotions, qui s’évadent de leurs lèvres, qui se jettent dans les airs, se liant avec les mots, se confondant dans leurs fumées de cigarette. Les yeux pétillent et vous disent, les sourires se font palpables, les rires deviennent sincères. Et si le monde tournait rond ?
Tout semble enfin acquérir une signification profonde, dans cet environnement neuf et coloré qui transcende et stimule ma perception. Mes sentiments renaissent. Mes désirs jurent, dansent, hurlent, tonnent et affirment leur existence. Moins je vois clairement, plus tout me semble devenir réel. Réel et beau à la fois, divin paradoxe.
Tout ce quotidien macabre devient acceptable d’abord, puis sympathique, puis jouissif. Extatique. Même les objets acquièrent une consistance quasi-mystique, même marcher devient une transe. Mon corps n’est plus un poids mort et encombrant que je suis forcé de porter, il se déploie tranquillement, tel un prolongement de mes sens. Je sais qu’il ne tient plus vraiment droit, mais c’est un détail plutôt amusant, une sensation agréable ; Un déséquilibre au goût de sucre.
Lorsque mon corps tient mon âme tombe, lorsque mon corps tangue mon âme jouit. Je me sens bien. Je suis le borgne roi au royaume des aveugles qui se noient dans l’éther. J’aime, je sens, je perçois. Il n’y a plus de feintes ni de mensonges. Tout se mut en vérité. Même moi.
Et l’on me demande pourquoi je bois. Et l’on m’avertit sur les dangers de l’alcool, on m’explique que j’ai besoin d’aide, on me sert de grands discours, on sort l’artillerie cumulée des chiffres et des métaphores. On lâche le mot ultime, incontestable, le mot-verdict, sans appel. « Maladie », tranche-t-on souverainement, entre pitié et remontrances.
Mais je bois parce qu’il me reste l’envie d’écrire. Et que pour avoir la faculté d’écrire encore, il me faut bien trouver la force de vous supporter, tous, aussi repoussants que vous soyez. Humanité basse et mesquine, routine vide de sens, monde hypocrite où seule la bêtise semble faire loi, demain matin encore mon haleine puera l’alcool. Jasez donc tant que vous le voulez, ce sera pareil, après-demain encore, et après-après-demain, jusqu’à ce que j’en crève. Car je préfère mourir d’un abus d’hydromel, plutôt que de votre sordide compagnie.
C’est saoul que je vous aime. Sobre, je vous hais. N’est-ce pas une raison suffisante et légitime de m’autodétruire en paix ? Vos jugements me font rire, car je préfère mille fois l’être humain ivre plutôt qu’idiot. Pour en être arrivé là, peut-être suis-je, espérez-vous, plus malheureux encore que vous ? Mais je ne m’abrutis à l’alcool que pour me mettre à votre niveau, et sots que vous êtes, vous en concluez que vous m’êtes supérieurs. Alors je souris. Et je commande une autre bière…
3 commentaires:
Le déséquilibre m'a rappelé des trucs.
Je viens de rentrer de Lyon, et tu aurais dû m'y voir toi aussi, après 3 ou 4 (je sais plus) Mojitos, tout le monde me retenait pour ne pas que je tombe.
Il parait que c est un texte d'adolescent atardé. C'est la plus belle critique littéraire que j'ai jamais eu :')
J'aime :)
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