mardi 11 décembre 2007

« Ce dont tu as besoin, c'est d'un "Toi"... » (Ch. 2)

Dean est une personne bien malaisée à décrire. Dean était fou, oui. Sûrement. Mais avant tout, Dean était vivant. Il était l’incarnation de la vie, de la vivacité, de l’énergie.

Aucun regard n’était aussi fort, aussi puissant, aussi pénétrant que le sien. Je l’ai vu séduire ses féminines proies en les regardant, sans un seul mot. Il les scrutait, puis quelques heures plus tard, s’approchait d’elles et disait : « On y va ? ». Et ils y allaient, quelques heures de plaisir pour lui, une marque à vie, souvent, voire une blessure, pour elles. Ses yeux étaient magnétiques, emplies d’une lueur presque surnaturelle. Lorsqu’il prenait l’air innocent, ils faisaient de lui l’homme le plus candide au monde. Lorsqu’il était en colère, ses pupilles semblaient contenir toute la rage de l’humanité dans un puit sans âge. Oui, lorsque Dean fixait quelqu’un, ses désirs étaient des ordres.

Je me souviens d’un jour où nous étions, Dean et moi, poursuivis par quelques représentants zélés des forces de l’ordre. Nous avions croisés, dans notre fuite, une personne qui sortait tout juste de sa voiture. Dean lui avait dit « Bonjour, mon ami. Comment t’appelles-tu ? ». Surpris, l’individu avait néanmoins répondu « Jean-Pierre », tandis que je paniquais en me demandant pourquoi diable Dean ressentait le besoin de discuter, à un moment pareil. Dean avait affirmé : « Et bien, Jean-Pierre, c’est de ton plein gré que tu me donnes les clefs de ton véhicule. », ce à quoi l’autre avait tout naturellement répondu « Pardon ? Non mais ça va pas bien ?!? ». Dean l’avait alors fixé, yeux dans les yeux, pendant une dizaine de secondes, secondes qui furent, d’ailleurs, parmi les plus longues de mon existence. Puis il avait répété : « C’est de ton plein gré que tu me donnes les clefs de ton véhicule ». Sans un mot, l’homme lui céda ses clefs, et partit en titubant sur le trottoir.

Passé quelques mois, ayant repris ses esprits, ledit Jean-Pierre avait porté plainte pour vol de voiture, et Dean fut interpellé à cause des empreintes digitales, déjà bien connues des services de police, retrouvées dans la carcasse de l’automobile qui s’était malencontreusement retrouvée nez à nez avec un platane. Lors du procès, auquel j’assistais puisque l’audience était publique, la même scène s’était déroulée. Dean avait dit, en le fixant : « C’est de son plein gré que ce monsieur m’a donné les clefs de son véhicule », et le pauvre Jean-Pierre avait répété « Oui, c’est de mon plein gré que je les lui ai donné », avant d’abandonner, tout penaud, sa plainte.

C’était ça, Dean. Une force de la nature, des yeux qui vous soumettaient à sa volonté. En dehors de ça, il était brun, plutôt grand et assez mince, plein de gestes brusques et de tics nerveux. Dean était mon antithèse. Le comportement de soumission que j’adoptais avec tout le monde, lui l’obtenait de tout le monde.

Et, bien qu’à ce jour encore, je n’en comprenne absolument pas la raison, Dean, lorsqu’il me rencontra, décida instinctivement de m’adopter…

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